En face de moi,
Harry Belafonte !
Se retrouver face à Harry Belafonte !
Mai 1980 : J’enseigne l’anglais dans un collège de Colomiers où mon collègue et ami André Vernez enseigne la technologie; dans le cadre d’un échange scolaire que j’ai organisé, nous amenons une classe de quatrième aux Etats-Unis pour 3 semaines . Précisément à Springfield, Massachusetts. Oui, le Springfield dont parle Goldman dans sa chanson « Un Deux Trois ».
Nos hôtes sont Amy et son mari Bob, un grand black super sympa, qui nous dit machinalement dès notre arrivée: « Au fait, je nous ai pris des places pour un concert de Belafonte la semaine prochaine ».
J’en crois à peine mes oreilles. Harry Belafonte ! Mon idole d’il y a 20 ans . (1)
1960 : Je n’avais pas, pas encore, trop accroché à l’irruption du rock’n roll, à Elvis Presley, Chuck Berry, Eddie Cochran et tous les autres. J’étais plus sensible à la renaissance de la musique folk et je me souviens, comme si c’était hier, de la sortie du double album « Belafonte at Carneggie Hall » qui restera dans les charts plus de 3 ans : déjà un concert caritatif, ici pour la Wiltwick School qui travaillait pour des enfants émotionnellement perturbés . Nourri des musiques de la Jamaïque où il a vécu mais également ouvert au blues, au folk ou au gospel, doté par la nature d’un atout vocal exceptionnel, Harry Belafonte m’a tout de suite fasciné. Robert Beauvais le présenta sur France Inter ( qui s’appelait « Paris-Inter » avant 1963 ) comme un
« géant de l’interprétation ».
Tout au long des années 60, je suis resté fidèle à l’artiste et j’ai progressivement découvert l’homme, le militant des droits civiques aux côtés de Martin Luther King. Il ne faisait jamais les choses à moitié ; à cet égard, une anecdote me revient en mémoire : Il avait acheté un appartement dans un quartier huppé de New York ; furieux que certains tentent de résister à l’arrivée d’autres blacks dans des appartements voisins, il racheta l’immeuble !
A la fin du concert, Bob me dit : « Alors ? ». Je suis sur mon petit nuage, ce qui ne lui échappe pas. C’est alors qu’il ajoute: « Tu veux qu’on aille discuter avec lui? ». Je crois d’abord à une blague : Belafonte se produit dans le monde entier à guichets fermés et je l’imagine hyper-protégé et inaccessible. « Come on, follow me !» poursuit Bob. Deux minutes plus tard, nous sommes dans sa loge. Bob fait les présentations à l’américaine : « Hi Harry ; I’m Bob, this is Roland, from France ». Et j’entends Belafonte me dire : « Hi Roland, how are you? ».
Je ne sais plus trop où j’habite mais je sens que ce sera intense. Nous échangeons d’abord quelques banalités puis j’évoque juin 1968 et le concert organisé au Hollywood Bowl en hommage à Martin Luther King assassiné le 4 avril et Robert Kennedy assassiné le 8 juin, concert auquel Harry Belafonte participa largement aux côtés de Barbra Streisand, Bill Cosby et Herb Alpert et auquel j’ai eu la chance d’assister. Cette évocation ne le laisse visiblement pas indifférent : il était très proche de Martin Luther King.
Je lui raconte aussi qu’il s’en était fallu de quelques minutes pour que je sois témoin de l’assassinat de Bob Kennedy : à l’époque J’enseignais le Français à l’Université de Californie à Northridge, au nord de Los Angeles, dans la vallée de San Fernando ; la campagne des primaires démocrates pour l’élection présidentielle de novembre avait démarré ; Dennis (qui était un de mes étudiants) et moi-même avions décidé de faire le tour des quartiers généraux des divers candidats. C’est ainsi que nous sommes entrés sans la moindre difficulté (!) dans l’hôtel des Ambassadeurs où Bob Kennedy devait s’exprimer devant les médias. Mais il est en retard. Le temps passe ; nous décidons d’aller au QG de campagne de Georges Mc Govern, autre candidat à l'investiture du Parti Démocrate, quitte à revenir plus tard. Dans la voiture, nous nous branchons sur une radio qui va retransmettre en direct l’intervention de Kennedy. Nous sommes sur l’autoroute depuis à peine quelques minutes quand nous entendons des coups de feu à la radio. Sirhan Sirhan vient d’abattre Bob Kennedy là où nous étions quelques instants plus tôt. Nous nous arrêtons sur la bande d’arrêt d’urgence et Dennis se souvient de m’avoir entendu lui dire : « What’s wrong with you Americans? ».
Nous parlons ensuite un peu de musique puis nous parlons de la France. Je regarde ma montre : nous sommes là depuis une demi-heure. Belafonte vient de chanter pendant plus de deux heures, il est fatigué, je n’ose pas m’incruster. Nous prenons congé. Mon seul regret : n’avoir aucune autre trace de cet échange que ma mémoire. Mais les téléphones portables n’existaient pas, encore moins les selfies !
De Belafonte à Joan Baez
Trois ans plus tard, je me retrouvais tout aussi facilement face à Joan Baez mais, cette fois, il existe une trace de cette rencontre : une interview que j’ai réalisée en bonne et due forme pour TSF 100 avec un magnéto Revox. Ce n’est sans doute pas un hasard car Harry Belafonte et Joan Baez ont beaucoup en commun : leurs domaines respectifs d’expression artistique se font écho et ils ont sans cesse milité pour les mêmes causes, quelquefois ensemble : contre le racisme, la discrimination, la violence, pour la paix et la justice.
Roland Fauré
Belafonte à ses débuts dans les années 50
Un double album mythique.
Martin Luther King, Joan Baez et Harry Belafonte.
1- Harry Belafonte est décédé le 25 avril 2023 à l’âge de 96 ans .
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Ecoutez et regardez notre "best of" vidéo: Harry Belafonte dans quelques unes de ses interprétations les plus emblématiques:
De larges extraits de 6 morceaux dont 2 en "live" :
- "Day O": évoque les dockers chargeant des régimes de bananes toute la nuit. Live au Ed Sullivan Show.
- "Jamaica Farewell": chante la beauté de la Jamaïque. Live au Ed Sullivan Show.
- "One for my baby": extrait de l'album "Belafonte sings the blues".
- "This land is your land": Célèbre folk-song de Woody Guthrie extrait de l'album "Streets I have Walked". Chanté avec les enfants de la Manhattan High School of music.
- "Swing Dat Hammer": chanson de forçats extraite de l'album éponyme récompensé par un Grammy Award.
- "Try to Remember": chanson extraite de l'album "The Many Moods of Belafonte", devenue très connue en France dans les années 70 lorsque les cafés "Carte Noire" l'utilisèrent pour leur publicité.
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Ils ont dit :
Harry Belafonte :
« Chacun d’entre vous a le pouvoir, la volonté et la capacité de faire la différence dans le monde dans lequel nous vivons ».
« On peut enfermer le chanteur, pas la chanson »
Joan Baez:
« Les toutes premières choses que j'aie jamais entendues – après Harry Belafonte, qui jusqu'alors représentait la musique folk – étaient celles d'Odetta. »
Quelques uns des albums les plus emblématiques d'Harry Belafonte: Il en a enregistré 27, sans compter les albums "live", au nombre de 8, dont "Belafonte at Carneggie Hall" et "Belafonte at the Greek Theater", et les compilations.
Harry Belafonte a aussi enregistré des albums avec Odetta, Myriam Makeba et Nana Mouskouri.
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